
En
1914, déjà 7,7 millions de femmes travaillent. La
guerre sensibilise le travail des femmes car la pénurie de
main-d’œuvre correspond à la nécessité, pour
de nombreuses femmes de travailler. A la fin de
l’année 1917, le personnel féminin dans l’industrie
et dans le commerce dépasse de 20% son niveau d’avant
guerre. Pour faire admettre les femmes dans l’industrie
de guerre, il a fallu vaincre la méfiance des industriels,
multiplier les circulaires, ouvrir des bureaux d’embauche et faire
de nombreuses affiches. Début 1918,
les femmes forment un quart de la main-d’œuvre dans l’industrie
de guerre. Quatre cent trente milles munitionnettes venues
de tous les horizons couturières, ménagères,
artiste au chômage, jeunes filles sans travail sont attirées
par les hauts salaires : véritable transfert de
main-d’œuvre, sans lien aucun avec les capacités de
chacune. Les ouvrières donnent très vite satisfaction :
« Si les femmes qui travaillent dans les usines
s’arrêtaient vingt minutes, les Alliés perdraient la
guerre » aurait dit le maréchal Joffre.
Les
femmes sont minimes dans la fonderie ou l’aéronautique,
cependant elles sont très nombreuses dans la fabrication des
obus (on les appelle les obusettes), cartouches, grenades et fusées,
employées comme manœuvres aux travaux mécanique en
série et à la fabrication des pièces fines ou à
la vérification. Là où leurs rendements sont les
plus élevés.

Les femmes enrôlées dans l'industrie d'armement.
Les
industriels affectent les ouvrières à des tâches
délimitées et organisent la production en série.
On découvre les « qualités féminines » :
aptitude aux travaux monotones, patience et habileté…
A
l’arrière on assiste à une sorte de mobilisation
féminine, sans précédent. Dans les
administrations, dans les usines, dans les ateliers, partout les
femmes remplacent les hommes.
Certaines
usines se créent de toutes pièces, comme celle d’André
Citroën, quai de Javel : modernes, rationalisées,
tendant vers la monoproduction d’obus de 75 mm, elles peuvent
employer jusqu’à 80 % de femmes dans certains ateliers.
Ailleurs, la main-d’œuvre masculine est encore largement
nécessaire, comme chez Renault où les ouvrières
ne sont que 30 % ou chez Blériot, 10 %. Et il n’y a pas que
Paris. Les autres grands centres industriels sont aussi sollicités,
à plus forte raison après l’occupation du Nord.

Une femme travaillant sur un atelier.
Des
années de guerre, l’opinion publique a retenu la forte
présence féminine dans les industries mécaniques
et dans les bureaux, mais en 1917 leur taux d’activité n’est
pas estimé à plus de 60. Leurs accès à
des métiers interdits frappe bien sûr les imaginations
là, le passage des femmes sera bref, il leur faudra attendre
encore un demi-siècle pour y accéder à nouveau.
Mais, ailleurs, les femmes gardent leur
place, en particulier dans les usines au travail recomposé par
l’organisation scientifique du travail et la mécanisation.
Dans
l’agriculture, avant la guerre les femmes ne s’occupaient pas des
récoltes, c’était le travail des hommes. Le 7
août 1914, Viviani, le président du Conseil, fait
appelle aux femmes pour qu’elles achèvent la moisson puis
qu’elles entreprennent les travaux de l’automne. Elles
ont accompli l’essentiel du travail dans un grand élan
patriotique et avec un sens nouveau de la solidarité. Le
travail repose sur les 3,2 millions d’agricultrices, ouvrières
agricoles ou femmes d’exploitant. Les femmes deviennent
maréchal-ferrant, garde champêtre, boulangère
comme Madeleine Deniou d’Exoudun qui, pendant des mois, fait avec
son frère de 14 ans, 400 kg de pain par jour.
Toutes
les villageoises travaillent pour le salut de la France. Du
fait de la guerre, 850 000 femmes d’exploitants, un bon tiers
de celles déclarées au recensement de 1911, se trouvent
à la tête de l’exploitation et 300 000 femmes
d’ouvriers agricoles ont à charge une famille.
Elles ont de lourdes responsabilités auxquelles elles étaient
peu préparées (décider des productions, diriger
la main d’œuvre, vendre).
Chefs
d’exploitation ou pas, les paysannes joignent aux tâches qui
leur étaient traditionnellement imparties une grande part des
travaux d’hommes, même ceux qui exigent de la force ou un
long apprentissage.
En
Dordogne, la femme aurait remplacé l’homme dans la
proportion d’1/3, en Charente dans la proportion des 4/5ème,
dans les Basses-Pyrénées des 9/10ème.
Pour
laisser le moins possible de terres en friches, susceptibles d’être
réquisitionnées par la commune, les paysannes
s’épuisent au travail. La réquisition des animaux de
trait, chevaux et bœufs ne facilite pas les choses, et toutes n’ont
pas les moyens même en se groupant de se mécaniser.
Mais
les hommes veillent quand même, ceux des fratries restés
sur place et aussi les maris qui écrivent, parfois chaque
jour : « Sème comme je te l’ai dit ;
écris-moi au fur et à mesure des morceaux que tu a
fait » ; ou « C’est bien compris :
d’abord les bœufs, puis le carré de luzerne, puis le
jardin ; tu en as pour huit jours. Je te renverrai sur ta lettre
ce qu’il faut faire l’autre semaine ».

De nouveaux métiers pour les femmes:
Une conductrice de Tramway à Toulouse pendant la guerre.
Dans
les campagnes comme dans les villes, des métiers exclusivement
masculins en temps de paix basculent sous la responsabilité
des femmes : aidées souvent par un grand fils
ou un jeune frère, elles deviennent bouchères, gardes
champêtres, prennent en charge les classes de garçons
dans le primaire et le secondaire. Dans les services publics, les
usines, les mines, des ouvriers-mobilisés aux compétences
techniques spécifiques sont rapatriés du front. Mais
pour les métiers peu qualifiés, vite appris, voire
interdits dans le cadre des conventions collectives, les femmes sont
là. Les crieuses de journaux renouvellent les mœurs de leurs
confrères ; « plus de courses échevelées
le long des boulevards, plus de cris indistincts et assourdissants où
se complaisaient naguère les vendeurs de journaux ; elles
circulent comme tout le monde et d’une voix nette et posée
offrent leur marchandise ; quelques-unes font même preuve
de psychologie et annoncent les bonnes nouvelles ».
Pour
ce qui est des transports, au début de la guerre le Syndicat
des transports parisien s’est opposé à l’embauche
d’un personnel féminin. Mais les Parisiens en ont
vite assez d’attendre des heures une hypothétique voiture ou
d’aller à pied ; habitués aux moteurs, ils
n’aiment guère non plus pédaler dans les rues ou
appeler un cocher qui ressort son fiacre avec bonheur. Même
si au début les syndicats s’y sont opposé, les femmes
ont obtenu du préfet de la Seine en août 1914
l’autorisation d’être employées comme receveuses sur
voitures, les compagnies de transport demandent et obtiennent en 1915
celle de les utiliser comme wattwomen (conductrice
d’un véhicule électrique), à l’image de la
province, mais à condition de reprendre leurs employés
mobilisés à la fin des hostilités.
Durant
les quatre années de guerre, les femmes vont assurer la
quasi-totalité des tâches réservées jusque
là aux hommes. On trouve ainsi des factrices, des chauffeuses
de locomotives, des allumeuses de réverbères, des
conductrices de tramways. Il y en a même qui deviennent
mécaniciennes de locomotives. Certaines ont pris en charge des
hôpitaux, des bibliothèques, des services d’entre-aides.
N’oublions
pas, par ailleurs, la forte présence féminine dans un
monde d’hommes, sur le front et à l’arrière auprès
des blessés, avec les « anges blancs »,
ces infirmières qui soigneront trois millions de soldats
blessés. On compte sans doute 100.000 femmes soignantes, dont
des dizaines de milliers bénévoles de la Croix-Rouge et
autres associations, et encore 10.000 sœurs congréganistes

Les
femmes sont assignées aux travaux de nettoyage et de
manutention, aux travaux en série qui se mécanisent
grâce à l’impulsion du ministère de la Guerre :
soudure, polissage, conduite des presses et des ponts roulants... Les
conditions de travail sont terribles, il n’y a plus de limitation
de la journée à 8 heures, d’interdiction du travail
de nuit, de repos hebdomadaire : 12 heures par jour, deux jours
de repos par mois, puis, en 1917, une circulaire qui demande la
journée de 10 heures, l’installation de sièges, la
journée du dimanche, si possible. Le turn-over est fort, les
rendements parfois mauvais. Pour limiter ces contraintes, les
salaires comportent des minima et des primes de productivité.
Exemple
de répartition du personnel dans une société de
construction mécanique
Année
|
%
hommes
|
%
femmes
|
Mars
1914
|
91,8
|
8,2
|
Mars
1915
|
95,5
|
4,5
|
Février1916
|
75,25
|
24,75
|
Mars
1917
|
74,6
|
25,4
|
Avril
1918
|
77,3
|
22,7
|
Février
1919
|
79,7
|
20,3
|
Octobre
1925
|
77,7
|
22,3
|
|